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Recours en annulation de la candidature de Blaise Compaoré : Ce n’est pas une question de droit

Publié le mardi 18 octobre 2005 à 08h04min

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Par décision n°2005 - 007/CC. EPF du 14 octobre 2005, le Conseil constitutionnel a déclaré « mal fondées » les requêtes de messieurs Bénéwendé Sankara, Philippe Ouédraogo et du trio Ali Lankoandé, Norbert Tiendrébéogo et Ram Ouédraogo, demandant « l’annulation » de la candidature de M. Blaise Compaoré pour « violation de l’esprit et de la lettre de l’article 37 de la constitution du 2 juin 1991 » pour l’ensemble des requérants et pour « crimes de sang et crimes contre l’humanité » pour M. Bénéwendé Sankara.

Des motifs qui, bien que « enrobés » dans le droit, avaient, avant tout, des raisons politiques.

Si la frontière entre le droit et la politique est tenue, elle doit cependant rester étanche pour tous les adeptes de la démocratie libérale, celle-ci reposant sur la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) sur lesquelles elle se fonde.

Ce préalable pour dire que dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Blaise Compaoré contre messieurs Bénéwendé Sankara, Philippe Ouédraogo, Ali Lankoandé, Norbert Tiendrébéogo et Ram Ouédraogo », on a voulu se servir de la violation présumée d’un article de notre loi fondamentale pour ternir l’image de marque de notre jeune démocratie et la décrédibiliser aux yeux de tous.
Pour preuve, avant même que les débats ne s’engagent au fond sur la violation ou non de l’article 37 du fait de la candidature de Blaise Compaoré, M. Bénéwendé Sankara déposait un recours « in limine litis ».

Lequel demandait au Conseil constitutionnel de « récuser » quatre de ses membres au motif qu’ils auraient, pour trois d’entre eux (Anne Konaté, Salif Sampinbogo et Jeanne Somé), participé à des gouvernements de Blaise Compaoré et Le Conseil constitutionnel a jugé la candidature de Blaise Compaoré fondée en droit.que le quatrième, Jean-Emile Somda avait refusé de signer le rapport de la Commission d’enquête indépendante chargée d’investiguer sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et que de ce fait, ils seraient « partiaux ».

Un recours rejeté par le Conseil, aux motifs que les textes fixant organisation, composition et fonctionnement de l’institution ne fixent pas de profils particuliers pour les conseillers, l’exercice antérieur d’une fonction incompatible avec celle de membre du Conseil ne constituant pas par ailleurs un obstacle à l’exercice de cette fonction.

D’autre part, le conseiller Jean-Emile Somda a usé de son libre arbitre en refusant de signer le rapport suscité, aucun des membres de la Commission n’ayant reçu de « consigne » particulière, chose qui aurait du reste été inutile, voire idiote du fait de leur intransigeance et de leur probité reconnues. Au delà de cette bataille juridique, on perçoit que les griefs répétés de ces opposants contre le Conseil constitutionnel traduisent leur inconséquence.

En même temps qu’ils ont recours à cette institution, ils entretiennent des a priori qui fragilisent leur démarche politicienne, celle de vouloir une chose et son contraire. Car, lorsque des hommes politiques optent pour la République, ils doivent se battre sur la base des règles démocratiques.

Sur les questions de fond aussi...

Exit donc cette question préjudicielle, véritable artifice visant à masquer l’indigence si ce n’est la « non-existence » des moyens juridiques invoqués pour demander l’annulation de la candidature de Blaise Compaoré. Car, comme l’a indiqué Maître Farama Prosper à l’audience, les requérants n’ont « jamais développé une thèse pour dire que la modification de l’article 37 intervenue le 11 avril 2000 était rétroactive ». Pour lui c’est « l’interprétation téléologique » de la loi nouvelle, à savoir sa finalité, son but qu’ils demandent.

Une prétention développée à travers un raisonnement théorique parlant « d’effet immédiat et d’effet pour l’avenir de la loi nouvelle » et faisant appel au « raisonnement a fortiori » et à la théorie de l’effet utile. Or, comme l’a si bien indiqué l’avocat de la partie défenderesse, Maître Benoît Sawadogo les recommandations du constituant dérivé (à savoir la commission des réformes politiques et institutionnelles instituée en 1999) disent que la loi nouvelle du 11 avril 2000 n’a qu’un « effet différé ».

Elle ne peut toucher aux deux septennats déjà effectués d’où une « appréciation erronée » des règles des conflits de lois dans le temps de la part de la partie demanderesse. Et, le Conseil constitutionnel l’a bien précisé, « l’esprit d’une loi ou son but s’apprécie en fonction de la volonté du législateur du moment ». Or, la commission des réformes politiques ne voulait pas faire retroagir la loi nouvelle, en précisant bien que « la date d’entrée en vigueur de l’article 37 nouveau soit celle de la fin du mandat en cours ».

A propos de la légitimité

Une recommandation suivie par les députés qui l’ont transformée en loi. L’esprit de la loi est donc « claire » et l’effet immédiat est inopérant si tant est que « la loi nouvelle s’applique au fait juridique et à ses effets qui sont nés après son entrée en vigueur ». Juriste averti, Maître Bénéwendé Sankara le savait pertinemment, ce qui l’a conduit à inventer cet « empêchement dirimant au motif que M. Blaise Compaoré aurait commis des « crimes contre l’humanité ». On retombe encore dans le champ politique, (le casier judiciaire de Blaise Compaoré étant « vierge » comme l’a constaté le Conseil constitutionnel) avec en filigrane la question de la légitimité de la candidature querellée. Une légitimité que seul le peuple confère et qu’il a déjà donné à Blaise Compaoré, nonobstant tout ce débat politico - juridique. Faut-il rappeler que c’est après la modification du 23 avril 1997 que Blaise Compaoré a été réélu en novembre 1998 avec plus de 86% des suffrages exprimés ? Si le peuple ne l’a pas désavoué dans l’urne c’est qu’il était en phase avec la modification intervenue un an plus tôt. Et, si ce même peuple a redonné la majorité à son parti, le CDP lors des législatives de 2002, c’est toujours parce que les réformes institutionnelles de 1999 - 2000 lui agréaient. Nous voyons certains invoquer les « fraudes massives », mais, comme dit l’adage, « celui qui parle ne sait pas que celui qui écoute est intelligent ».

La modestie doit amener les politiques à se soumettre à la volonté populaire. Si le peuple burkinabè défend et exige que Blaise Compaoré soit candidat, ce ne sont pas les politiciens qui pourront en décider autrement. C’est sur les programmes politiques que le peuple fera son choix et, plutôt que de s’aventurer dans un juridisme de mauvais aloi, les politiciens gagneraient à proposer au peuple des programmes qui tiennent la route. C’est sur cette base que certains célèbres opposants africains sont parvenus au pouvoir après de longues années de lutte.

Boubakar SY
Sidwaya

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