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Retour de Koléla à Brazza : La diplomatie du cercueil

Publié le vendredi 14 octobre 2005 à 09h29min

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Si tout se passe bien, Bernard Kolélas rentrera à Brazzaville ce vendredi. Ce devrait être la fin d’un exil long de 8 ans qui ont vu l’ancien premier ministre congolais errer de capitale en capitale avant de s’établir définitivement à Bamako. Ce retour au bercail, c’est l’histoire d’une diplomatie du cercueil qui a commencé à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.

A l’époque, un des enfants de Kolélas résidant au Etats-Unis, à défaut de pouvoir voir Denis Sassou en personne, est reçu par son épouse Antoinette à qui il apprend que Ma-Jacqueline Kolélas, sa mère, a été victime d’une hémorragie cérébrale dans la capitale malienne, et que son exilé de père sollicitait l’aide de l’Etat congolais pour son évacuation en France.

Bon prince ou fin tacticien, Sassou fait affréter un avion médicalisé qui va transporter la patiente de Bamako à l’hôpital de Saint-Louis à Paris où elle est admise le 22 septembre. Tous ses frais médicaux sont pris en charge par le Congo, mais manque de peau, Mme Kolélas décédera une semaine plus tard, soit le 29 septembre. Se posa alors une question pour ce cadavre encombrant : où l’inhumer ?

Les orphelins veulent que leur regrettée mère repose au Congo et que leur père puisse l’y accompagner dans sa dernière demeure. Il se trouve que l’ancien maire de Brazza est sous le coup d’une condamnation à la prison à vie prononcée par contumace. Pour qu’il puisse donc remettre les pieds au pays de Sassou sans crainte d’être immédiatement conduit au cachot, il fallait un décret présidentiel qui cassait le jugement et amnistiait le condamné.

C’est ce que le chef de l’Etat congolais s’est engagé à faire, pour des « raisons humanitaires et au nom de la fraternité bantoue et de la solidarité africaine ». Il est vrai que sous nos tropiques, il n’est pas bon de polémiquer autour d’un cercueil, mais la charité chrétienne et les raisons humanitaires ne sauraient à elles seules expliquer ce geste d’un président dont on sait qu’il n’est pas un enfant de cœur.

En vérité, en soignant Mme Kolélas et en absolvant son mari de tous les péchés dont on l’accablait, c’est le gendre d’Ondimba vient de frapper un grand coup : il se pare, à l’occasion, de la tunique de l’homme d’Etat généreux et magnanime qui sait pardonner même à ses adversaires les plus irréductibles. Il espère bien en récolter des dividendes politiques.

Ne serait-ce que pour une simple question de reconnaissance, il sera difficile à l’illustre veuf de rester l’adversaire intransigeant pour ne pas dire l’ennemi juré de Sassou qu’il a toujours été. Kolélas en profite par ailleurs pour mettre fin à un exil interminable qui était loin d’être doré et dont il devait se demander s’il prendrait fin un jour, même si sur ce coup, il signe son arrêt de mort politique.

Chacun gagne donc au change dans ce deal macabre même si les présumées victimes de Kolélas enragent, craignant à juste titre qu’on passe leur douleur par pertes et profits et qu’on les sacrifie sur le cercueil de Ma-Jacqueline. En tout cas, Kolélas rentré, c’est un adversaire de moins pour le sapeur de Brazza en attendant, qui sait, son prédécesseur Pascal Lissouba.

Kader Traoré
L’Observateur Paalga

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