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Recours contre Blaise Compaoré : "Pourquoi le Conseil constitutionnel dira le droit !"

Publié le vendredi 14 octobre 2005 à 09h51min

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Le dernier recours introduit par les candidats Ali Lankouandé, Ram Ouédraogo et Norbert M. Tiendrébéogo a fait réagir les Amis de Blaise Compaoré (ABC). Pour les ABC, ce recours étale au grand jour les carences notoires des requérants.

Il faut se réjouir de la remarquable contribution de la presse burkinabè aux débats juridiques et politiques sur l’article 37 de la Constitution burkinabè. En publiant in extenso les recours introduits par les adversaires de la candidature de Blaise Compaoré, la presse contribue à la parfaite transparence du jeu politique et de la confrontation juridique.

Ces publications permettent à tous les citoyens intéressés, de pouvoir juger librement la consistance des arguments des uns et des autres et ainsi de mieux apprécier la décision du Conseil constitutionnel qui doit intervenir "sans délais".
Le dernier recours introduit par les candidats Ali Lankouandé, Ram Ouédraogo et Norbert M. Tiendrébéogo est riche d’enseignements et étale au grand jour les carences notoires de la position des requérants.

Toute la substance de l’article 37 omise

Le premier argument avancé consiste à dire que "les règles gouvernant les conflits de lois dans le temps n’autorisent pas une candidature du président Blaise Compaoré".
Les auteurs reconnaissent, en vertu de l’article 2 du code civil (la loi nouvelle ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif), que la modification de la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans ne pouvait pas s’appliquer au mandat du président Compaoré, suite à l’élection de 1998. Mais ils omettent de donner toute la substance de l’article 37 en vertu duquel Blaise Compaoré a été élu. En effet, l’article 37 issu de la modification de 1997 dit que le mandat est de sept ans et que le président est rééligible.

Cela signifie que Blaise Compaoré, en vertu de cette disposition, pouvait se représenter sans limitation. La nouvelle mouture de l’article 37 modifie à la fois la durée et les possibilités de renouvellement ! Il institue un nouveau mandat, qui n’a rien à voir avec le précédent et que personne n’a jamais assumé. Les compteurs sont donc remis à zéro.

Mais pour refuser cette conséquence logique, les auteurs, tout en reconnaissant que telle était la volonté de la commission de concertations sur les réformes politiques, estiment que l’article 37 ne contenant aucune précision sur ses conditions d’application, c’est le principe de l’effet immédiat qui s’applique et la possibilité d’être candidat à l’élection présidentielle est fermée à Blaise Comaporé.

"La loi n’a point d’effet rétroactif"

Il s’agit là d’une méconnaissance grave des règles de conflits de lois dans le temps. En effet, hors disposition expresse le permettant, la loi n’a point d’effet rétroactif. Ce principe a été énoncé depuis 1924 : "Une loi nouvelle, même d’ordre public, ne peut porter atteinte à des droits acquis... Si le législateur n’a pas nettement manifesté sa volonté de déroger à la règle ordinaire de la non-rétroactivité posée par l’article 2 c.civ. "(CA Besançon 26 janvier 1924, DH 1924, p. 461).

Plus récemment, et à titre de droit comparé, le Conseil constitutionnel français, dans sa décision du 18 décembre 2001 sur le financement de la sécurité sociale, a estimé que "si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles".

Ainsi, il apparaît clairement en droit, que pour considérer une règle comme rétroactive, il faut que cela soit expressément et sans équivoque prévu par le législateur dans le texte même de la loi.

D’ailleurs, l’hostilité à l’égard de la rétroactivité est telle que le Conseil constitutionnel français estime que le législateur, pour rendre une norme rétroactive, doit tenir compte des exigences d’intérêt général ainsi que des exigences constitutionnelles comme la sécurité juridique et la légitime confiance.

"Nous quittons le terrain juridique"

Le juge constitutionnel burkinabè ne pourra donc que constater que le texte de l’article 37 ne mentionne nulle part qu’il est rétroactif, et mieux, que dans les travaux préparatoires, la volonté non équivoque du constituant dérivé, à savoir la commission de concertations sur les réformes politiques était la suivante : la date d’entrée en vigueur de la nouvelle mouture de l’article 37 est la fin du présent septennat (ce qui a été effectivement le cas, puisque Blaise Compaoré a joui d’un mandat de 7 ans au lieu de 5 ans) et que le principe de la limitation du mandat à deux mandats successifs prend effet pour compter de la fin du présent septennat (ce qui fait que Blaise Compaoré ne pourra plus se présenter plus de deux fois de suite comme le lui permettait la rédaction de l’article 37 qui régit son mandat actuel. Désormais le Président sera rééligible une fois).

Le second argument invoqué par les requérants est intitulé "l’application des procédés quasi logiques d’interprétation (le raisonnement à fortiori)". On remarquera que nous quittons le terrain juridique pour emprunter les chemins tortueux de la rhétorique aristotélicienne. En effet, dans leur "Traité de l’Argumentation", Ch. PERELMAN et L. OLBRECHTS- TYTECA distinguent deux pôles de l’argumentation : le pôle démonstratif qui est l’art de convaincre par la rigueur du raisonnement à partir de faits et de données vérifiables (c’est le siège de l’argumentation juridique) et le pôle persuasif qui est l’art de convaincre par la séduction à partir des besoins, des désirs et des opinions (on ne démontre rien, mais on fait plaisir à un public ou à des partisans acquis).

Les procédés quasi logiques d’interprétation qu’invoquent les requérants font partie de ce pôle persuasif en prétendant tirer de certains adages bien établis, des vérités immuables(par exemple, qui peut le plus, peut le moins ; si on interdit de faire plus de 10 ans, à fortiori, celui qui a fait quatorze ans, etc.).

La solidité d’une thèse étant solidaire de l’argumentation qui prétend l’établir, le juge constitutionnel ne manquera pas de relever que les arguments quasi logiques conduisent très souvent en droit, à des aberrations. Dès la première année d’université, on enseigne aux étudiants en droit que l’adage "qui ne dit mot consent", n’est pas synonyme de vérité juridique !

Le troisième argument porte sur "le recours à la théorie de "effet utile".

Ce principe d’interprétation qui est aussi exprimé par la maxime "ut res magis valeat quam pereat", nous vient du droit international (voir par exemple l’avis consultatif sur l’interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, C.I.J. Rec. 1950, p.221). Il s’agit de permettre aux traités internationaux, d’atteindre leur pleine efficacité. Par exemple, la Cour de Justice des Communautés européennes a usé de la théorie de l’effet utile dans l’interprétation de certaines dispositions des traités afin de rendre légitime l’action des institutions communautaires dans des domaines qui ne relèvent pas clairement de leur compétence.

C’est pourquoi nous ne comprenons pas le recours désespéré à des règles d’interprétation des traités internationaux dans le cadre de conflits du droit interne. Tout comme nous paraît curieuse et illégitime cette volonté d’imposer au peuple souverain, une vision de l’article 37 qui n’est pas la sienne.

Dans la Constitution burkinabè, le peuple burkinabè s’est clairement exprimé sur les dispositions constitutionnelles qui ne peuvent faire l’objet d’aucune modification et qui sont de ce fait « immuables ».

Selon l’article 165, « Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause :
- la nature et la forme républicaines de l’Etat ;
- le système multipartisan ;
- l’intégrité du territoire national ».
Telle est la volonté clairement exprimée du peuple burkinabè en adoptant
sa loi fondamentale par le référendum du 02 juin 1992.

Pour terminer, il convient de citer Portalis (I’un des rédacteurs du code civil) qui, avec son incroyable éloquence, déclarait ceci à propos du principe de la non-rétroactivité : "Il est des vérités utIles qu’il ne suffit pas de publier une fois, mais qu’il faut publier toujours et qui doivent sans cesse frapper l’oreille du magistrat, du juge, du législateur : l’office des lois est de régler l’avenir, le passé n’est plus en leur pouvoir... La loi établit, conserve, change, modifie, perfectionne ; elle détruit ce qui est, crée ce qui n’est pas encore... Le passé peut laisser des regrets, mais il termine toutes les incertitudes... Il ne faut point exiger que les hommes soient avant la loi ce qu’ils ne doivent devenir que par elle".

Que le Très-Haut, Dieu Tout-Puissant, continue de couvrir notre pays de ses grâces et de ses bienfaits ; Qu’il garde notre peuple en paix ; qu’il bénisse et fortifie son serviteur Blaise Compaoré, notre dirigeant et notre ami.

Les Amis de Blaise Compaoré, heureux, sereins et déterminés

Le Pays

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