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Immigration clandestine en Europe : L’incurie et la faute des dirigeants africains

Publié le vendredi 14 octobre 2005 à 09h29min

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Oubliant leur contentieux territorial, l’Espagne et le Maroc ont aujourd’hui un dénominateur commun. Celui d’être des négrophobes. Immigrés clandestins, sans papiers.

Les épithètes les plus humiliantes ne manquent pas pour dépeindre ces Africains venus se fracasser contre les barbelés dressés entre la frontière du Maroc et de l’Espagne ou terminer leur errance dans le désert et leur course dans une région hostile, stoppés par les balles des forces de sécurité marocaines au nom de la légitime défense. Et pourtant, ces "envahisseurs" avaient les mains nues. Qui, en effet, pourrait démontrer que ces femmes qui portaient une grossesse ou des bébés de quelques semaines, et abandonnées à leur sort, étaient menaçantes ?

Ces 14 victimes innocentes (chiffre officiel donné par les autorités marocaines) étaient-elles une menace dans cette immensité désertique au point de mériter le sort qui leur a été réservé ? Paradoxalement, ce sont les ex-puissances coloniales qui ont balkanisé et continuent d’appauvrir l’Afrique par des traités et des accords inéquitables, qui s’adonnent à ce genre de battue digne du précambrien.

Et pourtant, ces mêmes anciennes puissances coloniales n’avaient pas demandé l’avis des Africains, lorsque, armes en bandoulière, elles avaient débarqué sur notre continent. Elles n’avaient pas non plus demandé l’avis de l’Afrique lorsque, à coups de crosses, de cravaches et de baïonnettes, des milliers d’enfants du continent furent amenés de force sur les théâtres d’opération pour servir de chair à canon dans des guerres qui ne les concernaient pas directement. Comme d’habitude, l’Occident a toujours refusé d’assumer son passé colonial.

Au risque de se répéter, les scènes insoutenables qui viennent de se dérouler à la frontière maroco-espagnole sont dignes de la sombre période des déportations des Juifs vers les tristes camps de concentration. Les victimes de cette avilissante atteinte à la dignité humaine, ce sont essentiellement des Africains du Sud du Sahara qui ont tenté de rejoindre l’Espagne, via les enclaves de Melilia et de Ceuta.

Torturés, ils ont été entassés comme du bétail dans des véhicules et débarqués en plein désert où aucune âme ne vive et livrés aux rapaces car, pour certains, manifestement, la destination finale était un rendez-vous avec la mort. Pour les autorités de Madrid, l’équation est simple : mettre hors d’état de nuire, cette horde, cette marée noire menaçante et ces parasites qui veulent négrifier l’Espagne.

Pour Rabat, le dogme a toujours été le même. Pour sauver ses intérêts économiques qu’il entend fructifier avec l’Europe à travers des accords spéciaux (Il faut dire que les Etats du Maghreb sont plus tournés vers la Méditerranée que vers l’Afrique noire) le Maroc n’a jamais fait mystère de son manque d’intérêt pour le continent. N’a-t-il pas prétexté l’admission de la RASD à l’OUA pour pratiquer la politique de la chaise vide au sein de cette organisation panafricaine devenue l’UA ? Rabat refuse donc d’être un point de passage, une passoire vers l’Espagne.

D’où les humiliations infligées à ces empêcheurs de coopérer avec Madrid. A chacun donc son mur pour empêcher les velléités migratoires des Subsahariens. Comme quoi, Ariel Sharon n’est pas le seul à croire qu’on peut éternellement bétonner les frontières des Etats. Mais, l’Occident ne perd rien pour attendre. Il peut organiser sa campagne de battue et crier au péril noir comme il l’avait fait à propos du péril jaune (allusion à l’Asie). A la seule différence que l’Asie a su prendre ses responsabilités. Plutôt que de déverser ses citoyens sur l’Occident, ce sont ses produits qui l’envahissent. La lapinisation de l’Afrique et ses conséquences, l’explosion démographique, peuvent apparaître aujourd’hui à ses yeux, menaçantes.

Mais, face à son désarmement sexuel dont le corollaire est le vieillissement de sa population, l’Occident sera obligé un jour d’avoir recours à la même Afrique. Le refus de l’Afrique de jouer le rôle de pompier d’un Occident en panne de main d’oeuvre sera fonction de sa capacité à répondre aux angoisses d’une population délaissée. C’est dire que l’Afrique doit cesser de gémir et de ressasser ses griefs contre un Occident ingrat.
En réalité, dans cette désespérante situation, autant les dirigeants occidentaux sont coupables, autant les dirigeants africains sont condamnables.

L’inhumanité des Occidentaux est à la hauteur de l’irresponsabilité et de la cupidité des Africains. Pendant plus de 40 ans, les Occidentaux ont déversé des Himalayas d’argent sur l’Afrique, même s’il s’agit de prêts dont une partie retournait en Occident sous forme de remboursements.

Qu’ont fait les dirigeants africains de cet argent ? Une partie a servi à des dépenses de prestige, à construire des châteaux somptueux et futuristes hors d’Afrique, des aéroports dans les patelins d’origine des chefs d’Etat où n’atterrit pratiquement qu’un seul avion toute l’année, à ériger des statues à la gloire des princes qui nous gouvernent et à élever des palais pour le parti unique au pouvoir.

L’essentiel des prêts ou de l’aide consentis à l’Afrique a été et continue d’être délayé dans la grande mare aux eaux saumâtres de la corruption, des commissions, des pots de vin et des transactions financières vers les banques occidentales et les paradis fiscaux, échappant ainsi au fisc. En Afrique, lorsqu’on parle du train de vie insultant de l’Etat dans un océan de misère, il faudrait plutôt parler du train de vie irréaliste des dirigeants.

En effet, il y a longtemps qu’entre ces derniers et les citoyens, le fossé est béant. Pour tout dire, il ne sert à rien de diaboliser systématiquement l’Occident quand les dirigeants africains montrent peu d’intérêt pour le bien-être de leurs citoyens qui pataugent dans la misère. Comme le disait Alfred de Vigny dans "La Mort du Loup", "gémir, pleurer, prier, est lâche". Dans l’histoire, l’Europe et l’Afrique ont tellement cheminé ensemble pour prétendre que les deux continents s’ignorent.

Dès lors, face à la tragédie humaine qui se déroule actuellement à la frontière maroco-espagnole, on s’attendait à une réaction, ne serait-ce que verbale, des dirigeants africains. Dans toutes les capitales africaines, on observe un silence coupable. Seul alpha Omar Konaré (l’homme qui indispose certains dirigeants) a eu le courage de sortir de la tanière où, apeurés, se réfugient, comme muselés, dans un mutisme nauséabond, certains responsables.

Alpha Omar Konaré ne supporte pas, quitte à indisposer ses patrons de l’Union africaine, cette immigration sélective qui continue à happer les cerveaux africains tout en jetant à la poubelle, ce que l’Occident considère comme impropre à sa consommation. En définitive, l’Afrique est victime d’un délit de voisinage avec l’Occident.

Le même Occident qui se flatte d’avoir d’excellents rapports de coopération économique avec l’Afrique, mais entretient avec elle des relations exécrables sur le plus humain. Face à la détresse de ses citoyens, l’Afrique est incapable d’imaginer, au profit de ses populations, une autre alternative.

L’Afropessimisme ne sera jamais une simple vue de l’esprit tant que nos dirigeants continueront à lutter contre leur propre pauvreté. Personne ne saurait mieux dépeindre la damnation de l’Afrique que cette personne qui disait que si on transportait les populations d’Afrique en Occident et celles d’Europe en Afrique, en l’espace d’un an, les premières demanderaient à revenir en Afrique parce que les dernières auraient développé le continent.

Cela traduit la manifestation criarde de notre impuissance à exploiter les différentes opportunités que nous offre par exemple le soleil pour nous passer de l’aumône que nous offre l’Occident tout en nous humiliant. Le soleil, un don de Dieu. Acceptons alors toutes ces humiliations et cessons de nous lamenter comme des enfants.

Le fou

Le Pays

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