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Emigration clandestine vers l’Europe : Vrais problèmes, faux débat

Publié le jeudi 13 octobre 2005 à 07h46min

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Ce sont de véritables assauts que des subsahariens, candidats à l’émigration clandestine en Europe, ont mené contre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla durant les cinq premiers jours de ce mois d’octobre.

Les forces de l’ordre espagnoles et marocaines, on se rappelle, ont été littéralement débordées par des centaines de clandestins qui tentaient de franchir le double grillage barbelé séparant l’Europe de l’Afrique.

Seulement quelques dizaines avaient pu passer de l’autre côté du grillage tandis qu’on enregistrait de nombreux blessés et morts. Depuis, le Maroc a organisé une battue fructueuse qui a permis d’appréhender des milliers de clandestins en transit sur son sol.

Aujourd’hui, le traitement réservé aux subsahariens par le Royaume chérifien fait la une de l’actualité. En effet, pour se débarrasser de ses gens encombrants, Rabat les a, depuis le début de la semaine, convoyés en autocars dans le désert du nord marocain où ils sont laissés à eux-mêmes, sans eau et sans nourriture.

Plus de 1 500 personnes sont dans cette situation. Et l’image de clandestins menottés et jetés dans des bus sans destination fixe a fait le tour du monde, provoquant l’ire des organisations humanitaires qui assistent à présent ces sinistrés.

Un traitement indigne et avilissant d’Africains par d’autres Africains. Que voulez-vous, le Maroc qui ne fait pas partie de l’Union africaine n’entend pas être la poubelle de l’Europe encore moins celle de l’Afrique.

Face à ce problème, les dirigeants des pays d’origine des migrants observent depuis un silence plus que troublant. Difficile qu’il en soit autrement puisqu’ils n’ont pas été eux-mêmes capables de contenir cette forte hémorragie des bras valides de leur pays vers l’Europe.

Ces flux migratoires posent avec acuité l’échec des politiques économiques et sociales jusque-là menées en Afrique par nos gouvernants. Des politiques qui sont loin de sortir du sous-développement la majorité des populations. Voilà les raisons du profil bas qu’observent les responsables des pays.

C’est vrai que les clandestins sont eux-mêmes des hors-la-loi. Mais cela ne doit pas dégager la responsabilité qui incombe à chaque Etat en pareille circonstance, à savoir le devoir d’assistance à ses ressortissants partout où ils se trouvent en situation de précarité dans le monde.

On admet cependant qu’il est plus aisé pour un Etat d’assister ceux de ses ressortissants qui vont ou s’établissent légalement à l’étranger. C’est dire que les clandestins ne facilitent pas la tâche à leur Etat.

C’est pour cela qu’il faut tirer notre chapeau aux gouvernements malien et sénégalais qui, malgré tout, ont assumé leur responsabilité en établissant un pont aérien pour rapatrier leurs ressortissants respectifs là où beaucoup de pays se sont débinés.

On peut tout de même dire que c’est bien fait pour ces clandestins qui, aussi paradoxale que cela puisse paraître, ne sont pas les plus mal lotis de l’Afrique, à juger seulement par les fortunes colossales qu’ils engagent dans leur aventure.

Ainsi, des biens meubles et immeubles sont vendus, et le produit, remis à l’aventurier qui quitte son pays avec pas moins d’un million FCFA. Avec cette même somme, en restant au pays, on peut aisément entreprendre une activité porteuse avec en sus le bonheur d’être chez soi, de bénéficier de la chaleur familiale.

Comme nous le disions la semaine dernière, la responsabilité de l’Europe est aussi engagée dans ce drame humain qui se joue aux abords des enclaves espagnoles et dans le désert marocain. La nature est ainsi faite, l’homme se dirige toujours où il croit qu’il aura de quoi manger.

C’est donc normal que l’Europe repue attire les Africains en quête de mieux-être. Cette Europe qui refuse de pratiquer à fond la solidarité avec le berceau de l’humanité, qu’elle a pourtant exploité honteusement des siècles durant depuis la traite négrière en passant par la colonisation jusqu’au néocolonialisme politique et économique qu’elle exerce aujourd’hui.

L’injustice a souvent caractérisé le rapport avec l’Occident surtout en matière de commerce international qui s’effectue au détriment de l’Afrique. Il y a aussi l’insignifiance voire la rareté de l’aide publique au développement et de l’aide budgétaire qui sont deux appuis déterminants dans les finances de nombre de nos Etats.

Tous ces rapports sont à revoir et à corriger si vraiment on veut réduire comme peau de chagrin ces importants flux migratoires d’Afrique vers l’Europe. Il faudrait aussi encourager voire contraindre les pays africains à pratiquer la bonne gouvernance à tous les niveaux ainsi qu’une véritable démocratie.

Toute initiative qui ne s’inscrira pas dans ces schémas ne sera que de la diversion et dans ce cas, rien ne pourra arrêter les flux migratoires pas même les barbelés ou les risques divers que courent les clandestins.

C’est un problème global auquel il faut une solution intégrale. Il est donc nécessaire que s’ouvre un débat, mais un vrai débat entre Occidentaux et Africains pour discuter franchement de ces questions.

Et ça ne devrait pas être le lieu de culpabiliser les uns et de disculper les autres. Tous doivent se reconnaître coupables et, solidairement, dégager les solutions les meilleures pour endiguer le phénomène de la migration clandestine.

San Evariste Barro
L’Observateur Paalga

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