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Candidature de Blaise Compaoré : Valère, l’article 37 et le Conseil constitutionnel

Publié le jeudi 13 octobre 2005 à 07h51min

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Valère D. Somé, bien connu de nos lecteurs, après un long silence qu’il observait, nous revient à la veille des joutes électorales de 2005 et 2006. Au moment où la classe politique attend de savoir ce que le Conseil constitutionnel décidera au sujet de la candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle du 13 novembre.

Pour le chercheur et le politique, dans l’attente de toute décision, "chacun doit se convaincre qu’aucun peuple, nulle part, ne peut se soumettre à un seul homme jusqu’à lui donner la liberté de le rendre malheureux en le gouvernant à vie". C’est pourquoi avait-il titré son propos du jour "tous les regards sont rivés sur le Conseil constitutionnel".

Après les différents recours auprès du Conseil constitutionnel, en vue d’invalider la candidature de Blaise Compaoré à l’élection présidentielle, tout le monde est dans l’attente de la suite que celui-ci donnera à ces recours.

Voilà depuis plus d’un an que les divers protagonistes ont épuisé leurs argumentations : les uns en faveur de la candidature de Blaise Compaoré, les autres opposés à cette candidature.

Au cours de ce débat, il m’a été reproché mon mutisme. Mais que pouvais-je dire que je n’aie pas déjà dit ? J’invite les Burkinabè à relire à tête reposée les deux articles que j’ai eu à publier à l’époque dans les journaux de la place :

1- De l’anti-constitutionnalité de la révision de l’article 37. Article paru dans L’Observateur Paalga n° 4953 du mardi 27 juillet 1999, p.p. 10-11, sous le titre de « Qui veut tromper qui et pourquoi ? » et dans "Le Pays" ( ?)

2 - Du pouvoir des « non-votants ». Article paru dans l’Observateur Paalga du mercredi 29 septembre 1999, sous le titre « Appelons-en au tribunal du peuple » et dans "Le Pays" n°1983 du mercredi 29 septembre 1999.

A propos de la première révision de l’article 37 de la Constitution afin de lever la limitation des mandats présidentiels, j’écrivais :

« En ne déclarant pas cette loi inconstitutionnelle et en n’empêchant pas sa promulgation, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême s’est faite complice de l’Exécutif et du Parlement, elle qui doit veiller au respect de la procédure de révision de la Constitution (article 154 de notre Constitution).

Par sa démission, cet acte inconstitutionnel risque de passer dans le droit positif ». Et abordant les prérogatives de nos députés à l’Assemblée nationale, je faisais observer : « En procédant à la relecture de la Constitution et en procédant à la révision de l’article 37, nos députés ont usé d’un pouvoir dont le peuple, qui les a élus, ne les avait pas mandatés.

Le peuple leur a délégué une partie de son pouvoir législatif pour statuer sur des questions essentielles dont le cadre a été clairement défini par la Constitution. Ils ont outrepassé leur mandat en envahissant le droit du peuple. En agissant d’une manière contraire à leurs engagements, ils se sont mis en état de guerre avec le peuple ».

Le Parlement et le Gouvernement ne sont légaux qu’autant qu’ils tirent leur légitimité de la Constitution ; Ils ne sont légaux qu’autant qu’ils restent fidèles aux lois qui leurs ont été imposées.

On a porté atteinte à l’esprit de la loi

Et je concluais mon article sur l’anti-constitutionnalité de l’article 37, par les propos suivants : « En révisant par la loi du 23 janvier 1997 la Constitution du 11 juin 1991, on a porté atteinte à son esprit.

C’est là un des crimes les plus graves à l’encontre de notre peuple, prévus par la Constitution. La puissance législative, la puissance exécutive et la puissance judiciaire se sont rendues coupables d’un des plus grands crimes qu’on puisse commettre contre notre peuple, et sont responsables par conséquent de tous les malheurs, du sang répandu, de tous les désordres qui secouent aujourd’hui notre pays.

Nous sommes dans un pays où le despotisme se cache sous la forme d’un gouvernement démocratique. La démocratie n’y existe nulle part. Elle n’ y existe, ni dans le rapport que le parti Etat, qui détient le pouvoir souverain, a avec le peuple, ni dans le rapport qu’il entretient en son sein.

Elle n’existe dans aucune instance : ni dans l’équilibre entre les trois pouvoirs, ni au sein de l’Exécutif où un seul en impose à tous, ni à l’Assemblée qui n’est qu’une caisse de résonance du seul même, ni dans les rapports partis d’opposition et parti au pouvoir.

Il faut donc espérer que la tourmente et l’agitation politiques qui secouent actuellement notre pays et qui ont été favorisées par l’événement malheureux de Sapouy soient prometteuses d’un avenir meilleur pour la liberté, en ce qu’elles ont rendu possible le dialogue entre les différents acteurs de la scène politique, rompant d’avec la morgue et le mépris que la « majorité » n’a cessé de vouer à l’opposition ».

A l’époque, il avait été suffisamment établi, pour qu’on y revienne, que la Constitution est au centre des disputes qui ont alimenté la crise qui a secoué notre pays et a failli l’entraîner au bord d’une guerre civile. C’est de cette révision que sont partis tous les malheurs de la IVe République.

Par cette révision, Blaise Compaoré et son parti-Etat enlevaient à l’opposition toute espérance de parvenir un jour au pouvoir. Ils lui ont signifié leur détermination à ne jamais tolérer toute idée d’alternance. Ils ont verrouillé l’issue des urnes pour accéder au pouvoir. Le spectacle de la mort de Norbert Zongo a fait le reste.

Sommes-nous dans une république cotonnière ?

Hélas, l’esprit de conciliation qui a prévalu, avec la médiation du « Collège de sages », et qui a permis une sortie de crise, a été mal compris, par les tenants du pouvoir. Le danger passé, ils ont laissé libre cours à leur penchant.

Tous les arguments juridiques évoqués par les uns et les autres sur l’éligibilité ou la non-éligibilité de Blaise Compaoré tiennent au principe même de la révision de la Constitution et au refus de toute idée d’alternance qui le sous-tend.

A supposer que l’on fasse la concession à Blaise Compaoré de se présenter à la présente élection, donc à l’élection à venir à la fin de son nouveau mandat ; qu’est-ce qui garantit qu’il ne commanditera pas une autre révision constitutionnelle, et ainsi de suite pour se maintenir à vie à la présidence ?

S’il est de la nature de toute Constitution de ne pouvoir codifier de façon définitive et immuable le statut du pouvoir souverain et qu’elle doit pouvoir s’adapter en fonction des évolutions de la situation politique et sociale qui l’ont déterminée, il n’en demeure pas moins vrai que toute constitution doit pouvoir se caractériser par une certaine stabilité juridique.

Car la stabilité des règles est une garantie contre l’arbitraire, contre les caprices de celui qui détient le pouvoir souverain.

Nos constitutionnalistes, en limitant le mandat présidentiel, cherchaient à préserver notre peuple de l’influence corruptrice du principe de réélection. Car le principe de réélection rend l’influence corruptrice des gouvernements électifs plus étendue et plus dangereuse. Il tend à dégrader la morale politique du peuple et à remplacer le patriotisme, l’honnêteté par l’habileté, la médiocrité et le clientélisme.

Enfin bref, les yeux sont rivés sur le Conseil constitutionnel. Fera-t-il la preuve de sa subordination au pouvoir de Blaise Compaoré, ou de l’indépendance dont tirent leurs fondements nos institutions démocratiques ? Sommes-nous dans une république démocratique digne de ce nom ou dans une république cotonnière ?

C’est l’avenir de la liberté de notre peuple qui est en jeu ? En attendant sa décision, chacun doit se convaincre qu’aucun peuple, nulle part, ne peut se soumettre à un seul homme jusqu’à lui donner la liberté de le rendre malheureux en le gouvernant à vie.

Nous sommes aussi dans l’attente de l’attitude des partis qui ont déclaré illégitime et illégale la candidature de Blaise Compaoré, dans le cas où le Conseil constitutionnel n’abonderait pas dans leur sens.

C’est le lieu de dire que notre pays est à la croisée des chemins. Il y a des moments à toute chose. Il y a des moments pour se taire et des moments pour parler. Et ce moment-ci, pour moi, est venu.

Valère D. Somé

Chargé de recherche INSS-CNRST Ouagadougou

(1) Le titre est du journal

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 13 octobre 2005 à 22:48, par Nickzem En réponse à : > Candidature de Blaise Compaoré : Valère, l’article 37 et le Conseil constitutionnel

    Que dire ? Il est hélas que le nombre de personnes à comprendre tout ce que vous dites, soit minime. J’ai mal au coeur quand je pense que nos constituants refusent de voir ce qu’on enseigne dans les facultés en première année de droit ! C’est consternant de savoir qu’ils célèbres par leur facilité à se courber devant les caprices d’un pouvoir destructeur de l’avenir de tout un Etat, toute une Nation ! Hélas !
    En tout cas, Monsieur Somé, je suis touché tant la vérité sur vos lignes est patente, qu’elle échappe aux maîtres de la corruption ! Bref, si la candidature du président compaoré est validée, appelons de nos voeux Dieu qu’Il vienne à notre secours !

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