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Gestion de l’ex-SONACIB : Idrissa Ouédraogo fait le point

Publié le jeudi 13 octobre 2005 à 07h33min

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Idrissa Ouédraogo

Le 15 janvier 2004 l’ARPA (Association des réalisateurs et producteurs africains) reprenaient les activités de la SONACIB qui était sous le coup d’une liquidation administrative. Une année et demie après, Idrissa Ouédraogo membre dirigeant de l’ARPA nous fait le point de cette reprise et des possibilités de relance du cinéma burkinabè à travers l’outil numérique.

Sidwaya : Pouvez-vous nous faire le point sur le cahier de charges vous liant à l’Etat dans la gestion de la SONACIB ?

Idrissa Ouédraogo : La SONACIB a été le levier du cinéma burkinabè parce qu’elle alimentait un fonds de soutien au cinéma de notre pays. L’Etat avait raison de créer l’institution qu’est la SONACIB. Cette institution au cours des dernières années a connu des difficultés qui n’ont pas pu être résolues entièrement. Ce qui a amené la liquidation administrative de l’entreprise. Il y avait deux solutions : soit vendre les salles de cinéma et je pense qu’avec Ouagadougou comme capitale du cinéma africain le gouvernement n’a pas choisi cette option.

C’est ainsi que l’ARPA (Association des réalisateurs et producteurs africains) régie par la loi n°10/92/ADP du 15/01/1992 portant liberté d’association au Burkina a essayé d’apporter sa contribution en entrant en relation avec l’Etat pour que pendant une période transitoire de 12 mois l’on puisse voir quelles sont les perspectives d’avenir de la distribution et de l’exploitation du film au Burkina Faso. Il faut rappeler que les activités de l’ex-SONACIB ont été reprises par l’ARPA le 15/1/2004 et que nous avons mis 6 à 7 mois à comprendre pourquoi d’abord la SONACIB avait eu beaucoup de difficultés et pourquoi aussi toutes les salles (au Burkina comme dans les autres pays africains) ont fermé.

La réponse est que l’on commande trop de films étrangers et le coût d’importation d’un film est assez élevé et pour qu’une salle puisse tenir le coup, il faut un film par semaine. Donc dans l’année, il faut au minimum 52 films et le coût d’importation de ces films s’élève de 100 à 150 millions si l’on veut faire une programmation soutenue dans les salles. Quand on regarde des villes comme Ouagadougou comme toutes les autres capitales africaines, il y a aujourd’hui d’autres plaisirs que le cinéma. Il y a les bars dancings, les vidéos clubs et beaucoup d’autres choses qui font que le cinéma n’est plus le seul pool attractif.

Commander des films en quantité ne donne pas la garantie que le public vienne au cinéma et surtout que ce public peut se procurer ce film sur le marché parallèle. La plupart des films, avant même qu’ils n’arrivent en Afrique sont déjà sur cassettes DVD ou DCD piratés.

Ça veut dire que si vous bâtissez votre politique sur l’importation des films, cette politique est vouée à l’échec parce que la plupart de ces films sont vus dans d’autres circuits que le circuit officiel. Nous nous sommes rendus compte de cette situation et l’on s’est dit que la seule façon de s’en sortir c’est de remoderniser les équipements et les infrastructures cinématographiques en statuant sur les nouvelles technologies, c’est-à-dire le numérique. C’est ainsi que l’ARPA a entrepris des relations avec des institutions partenaires et bien sûr avec l’Etat qui est partie prenante afin qu’ensemble nous travaillions à ce que le cinéma existe au Burkina Faso.

Equiper une salle coûte beaucoup d’argent, mais ça ne suffit pas, il faut faire des films, des films que l’on ne peut pas pirater ne peuvent être que des films nationaux faits sur place et diffusés sur place avec ce nouveau moyen numérique. Ce sont des films dits de proximité qui parlent des problèmes et de la vie de tous les jours au Burkina Faso. C’est ce que les gens veulent voir. Pour faire ces films, il faut de l’argent et à cet effet l’ARPA a entrepris de s’appuyer sur un certain nombre de producteurs et de réalisateurs pour qu’un certain nombre de films puissent être produits et réalisés.

C’est ainsi que grâce à la vision et à l’encouragement de l’ARPA plusieurs produits existent sur le territoire burkinabè. L’on peut parler des films de Boubacar Diallo (Traque à Ouaga, Sofia, Dossier brûlant) et Sidnaba avec « Ouaga Zoodo » qui sont des exemples qui montrent que des hommes qui ne sont pas forcément des cinéastes au départ ont des opportunités de s’exprimer. Ça veut dire que l’outil informatique est un outil démocratique et grâce au coût réduit de production, de nouveaux talents vont germer. L’ARPA pense que c’est à ce prix seulement que des productions de quantité et de qualité ramèneront le public dans les salles de cinéma.

Depuis le temps que nous avons passé en nous occupant de la relance des activités de l’ex-SONACIB c’est brièvement l’ensemble de la politique que nous essayons de mener, mais qui peut prendre un peu de temps parce que ça veut dire qu’il faut produire au moins une dizaine ou une quinzaine de ces films par an qui peuvent rester à l’affiche un mois entier. Cela permettra de réduire le coût d’importation des films et de créer un nouveau marché national pour renforcer notre économie.

S. : Vos prévisions sont-elles optimistes suite à votre diagnostic ?

I.D. : Le ministère en charge du cinéma dans notre pays est conscient que la révolution numérique est nécessaire et est en train de travailler pour mettre en place toutes les bases techniques et matérielles nécessaires à la production soutenue du film numérique. Un individu ne peut pas le faire, une association a aussi ses limites, il faut un appui de l’Etat pour lancer la machine. Lancer la machine, c’est de ne pas faire un ou deux films tous les deux ou trois mois mais deux à trois films tous les mois, parce que les créateurs sont là, les idées sont là et les coûts de productions ne sont pas élevés.

En disant cela, je ne veux pas dire que le numérique est la seule chance ou la seule façon de faire le film mais je restitue simplement la production sous cet angle-là au niveau de l’économie nationale. Bien sûr qu’il faut des grands films à des coûts immenses mais ce sont des coproductions internationales qui peuvent le faire. L’Etat ne peut pas dégager 500 à 600 millions pour faire un seul film. Moi je parle de l’économie locale, de la vie de tous les jours de la production locale et du public local. C’est ça qui va amener peut-être dans les années à venir non seulement l’émergence de nouveaux talents, mais la confirmation sur le marché mondial de ces talents-là.

S. : Quelle est la contribution des cinéastes burkinabè et africains dans le fonctionnement de la SONACIB ?

I.D. : Ce n’est pas facile de comprendre tous ces phénomènes quand on n’est pas dans le feu de l’action. Le numérique peut paraître comme un outil pas très professionnel donc le professionnel peut le rejeter mais il peut vraiment être un outil professionnel parce que ça dépend de ce qu’on cherche et ce qu’on veut faire. Le plus urgent est que les salles ne ferment pas et que les Africains continuent à s’exprimer parce que quand on regarde les films qui passent par satellite sur les chaînes africaines aujourd’hui, c’est l’acculturation accélérée, c’est consommer uniquement des produits étrangers.

Même si on accepte au nom de la diversité culturelle la consommation de produits étrangers, il faut que des films africains puissent être vus au niveau de nos salles de cinéma et des chaînes de télévision nationale. Si l’on ne le fait pas, ça veut dire que des cultures de peuples disparaîtront parce que le cinéma est un puissant moyen d’expression artistique et culturelle. C’est encourageant quand on regarde la rentabilité des films qui ont été faits localement avec des budgets de 6 à 8 millions et qui ont permis de remplir des salles et de générer des recettes. Ce n’est pas suffisant parce que nos productions ne sont pas nombreuses mais néanmoins ça donne la voie à ce que des efforts soutenus soient faits.

S. : Vous êtes producteur et réalisateur, quelles sont vos activités en ce moment ?

I.D. : Je faisais un film par an en moyenne. Je viens de donner un an et demi de ma vie à la relance des activités de l’ex-SONACIB et il faut qu’aujourd’hui, je pense à la créativité. J’ai déjà entrepris un long métrage (« Kato » titre provisoire) qui est en post-production et dès décembre prochain je travaillerai sur une série de 200 épisodes qui aura pour titre « le triomphe de l’amour ». Dès fin décembre nous proposerons à l’Etat comment il faut continuer la gestion de l’ex-SONACIB. Et à moins d’éléments nouveaux, l’ARPA arrêtera ses activités sous sa forme associative pour la relance des activités de l’ex-SONACIB.

Interview réalisée par Fernando GUETABAMBA
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 13 octobre 2005 à 20:06, par Bila de Dakar En réponse à : > Gestion de l’ex-SONACIB : Idrissa Ouédraogo fait le point

    Voilà un burkinabè qui travail, qui est très utile à son pâys et qui lui fait honneur partout ou il va.
    Continu Idrissa et que le bon Dieu te donne longue vie.
    En tant que burkinabè je sui fière de toi.

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