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Conseil constitutionnel : Feu nourri contre le candidat Compaoré

Publié le mardi 11 octobre 2005 à 07h36min

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C’est décidément un feu nourri que nombre de candidats à la présidentielle du 13 novembre 2005 ont ouvert contre la candidature de Blaise Compaoré, retenu par le Conseil constitutionnel le dimanche 2 octobre courant, en même temps que douze autres prétendants à la magistrature suprême.

En effet, après Me Bénéwendé Sankara et Philippe Ouédraogo, Ali Lankoandé, Ram Ouédraogo et Norbert Tiendrébéogo ont ensemble introduit hier matin auprès de la grande juridiction une requête en contestation de la candidature du président sortant.

Quel sort définitif le président Idrissa Traoré et ses collègues vont-ils réserver à ces différentes requêtes ? On devrait le savoir aujourd’hui puisque les plaignants avaient jusqu’à cette nuit à 24h pour ester en justice. En attendant, nous vous proposons la requête des trois derniers requérants, pour qui « l’acceptation de la candidature de Blaise Compaoré viole l’esprit et les objectifs de la loi constitutionnelle du 11 avril 2001 et enlève à l’article 37 sa raison d’être ».

Objet : Requête en contestation de la candidature de monsieur Blaise Compaoré à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005

A Monsieur le Président du Conseil constitutionnel Les soussignés : Lankoandé Ali ; Ouédraogo Ram ; Tiendrebéogo M. Norbert ;

Candidats à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005.

Ont l’honneur de vous présenter ce qui suit : Monsieur le président du Conseil constitutionnel,

L’affirmation de l’impossibilité d’une candidature du président Blaise Compaoré à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005 trouve sa justification juridique dans les règles régissant les conflits de lois dans le temps (I) des procédés quasi logiques d’interprétation (II) et enfin au regard de la théorie de l’effet utile (III). I) Les règles gouvernant les conflits de lois dans le temps n’autorisent pas une candidature du président Blaise Compaoré. Elles trouvent leur fondement dans l’article 2 du code civil qui dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir : elle n’a point d’effet rétroactif ».

Il s’agit des principes de non-rétroactivité et d’effet immédiat.

a) En ce qui concerne le principe de la non-rétroactivité, une loi nouvelle ne peut modifier ou effacer les effets juridiques qui se sont produits sous l’empire de la loi ancienne. Elle ne peut donc remettre en cause des situations juridiques valablement créées sous l’empire de la loi en vigueur au moment de leur constitution.

b) S’agissant de l’effet immédiat, le principe est que la loi nouvelle s’empare des situations juridiques nées postérieurement à son entrée en vigueur et s’applique immédiatement à elles. Elle va aussi régir les effets futurs (c’est-à-dire non encore réalisés) d’une situation juridique née antérieurement à son entrée en vigueur. La loi ancienne n’est plus applicable.

Pour les lois relatives à des situations juridiques, il faut distinguer les situations juridiques subjectives de celles objectives ou légales.

Pour la première catégorie de situation (subjective), la loi nouvelle ne peut la modifier parce qu’elle ne peut toucher les actes individuels antérieurs à elle. Pour la deuxième catégorie de situation (objective), la loi nouvelle s’applique. Il en est ainsi des lois relatives à l’électorat et à l’éligibilité : l’on considère que les lois qui modifient les conditions de la jouissance et de l’exercice de l’électorat s’appliquent immédiatement sans qu’il y ait un effet rétroactif sur les situations juridiques antérieurement créées.

Or nous sommes, en ce qui concerne l’article 37 nouveau (introduit par la loi du 11 avril 2000), en présence d’une loi modifiant les conditions d’éligibilité, puisque la limitation du nombre de mandats qu’elle introduit empêche, dorénavant, toute personne ayant accompli deux (2) mandats successifs de cinq ans de pouvoir briguer un troisième mandat.

Il en résulte que la loi du 11 avril s’applique au président Blaise Compaoré. C’était pour éviter l’amalgame que la commission de concertation sur les réformes politiques, dans son rapport proposait : que la date d’entrée en vigueur de l’article 37 nouveau soit celle de la fin du mandat présidentiel en cours ;

que le principe de la limitation à deux (2) mandats successifs coure à partir de la fin du présent septennat.

Ces auteurs n’ayant pas cru bon de faire cette précision, c’est le principe de l’effet immédiat qui s’applique. Il ne peut en être autrement, car si la durée du mandat, suite aux élections de 1998, ne peut être modifiée, les effets étant déjà réalisés, les effets futurs, à savoir la possibilité d’être candidat à l’élection présidentielle tombe sous le coup de la loi nouvelle.

Pourquoi l’effet immédiat s’appliquerait uniquement à la durée du mandat et non à la limitation du nombre de mandats, qui est incorporé dans la même disposition ? L’accepter, c’est opérer une distinction qui n’a aucun fondement juridique. II) L’application des procédés quasi logiques d’interprétation (le raisonnement a fortiori).

La révision constitutionnelle de 2000 a interdit à tout candidat ayant effectué deux mandats successifs de cinq (5) ans de pouvoir se présenter à l’élection présidentielle pour un mandat successif. Pour apprécier les conséquences juridiques d’une telle situation, on doit recourir au raisonnement a fortiori. En effet, s’il est interdit à toute personne ayant effectué deux (2) mandats successifs de cinq (5) ans de pouvoir immédiatement se présenter à l’élection présidentielle, a fortiori, est-il interdit à une personne ayant déjà effectuer deux (2) mandats successifs de sept (7) ans d’être éligible. Il en résulte que l’hypothèse d’une candidature du président Blaise Compaoré doit être écartée, car ce dernier cumule quatorze (14) ans comme président du Faso et ce sans interruption. L’évidence de l’impossibilité d’une telle candidature apparaît encore plus en référence à la théorie de l’effet utile.

III) Le recours à la théorie de l’effet utile :

Il s’agit d’un mode d’interprétation qui vise à faire produire à la loi la plus grande efficacité possible conformément à son objectif. En effet, l’objectif du constituant était d’empêcher que toute personne puisse faire plus de dix ans d’affilée comme président du Faso.

Or, admettre que Blaise Compaoré puisse se présenter à l’élection de novembre 2005, c’est vider l’article 37 de son sens. C’est permettre à une personne qui a occupé la charge de président du Faso pendant quatorze (14) ans, sans discontinuer, d’être candidat malgré les prescriptions de la Constitution.

En outre, en acceptant qu’il se présente, on frappe cette disposition d’inanité puisqu’il suffira, à tout président en exercice, de procéder à la révision de l’article 37 lors de son second mandat pour que la disposition relative à la limitation des mandats ne lui soit pas applicable, s’il dispose d’une majorité à l’Assemblée. Il en résulte que l’acceptation de la candidature de Blaise Compaoré viole l’esprit et les objectifs de la loi constitutionnelle du 11 avril 2000 et enlève à l’article 37 sa raison d’être. C’est pourquoi, ils vous demandent respectueusement de bien vouloir écarter la candidature de Monsieur Blaise Compaoré à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005. Pour requête respectueuse présentée à Ouagadougou le 10/10/2005.

Ali Lankoandé

Ram Ouédraogo

Michel Norbert Tiendrébéogo

Conseil constitutionnel Greffe

Récépissé de dépôt de recours (articles 149 et 150 de la loi n°14-2001/AN du 03 juillet portant loi électorale) N°2005-006/CC/GREFFE

L’an deux mil cinq et le dix octobre à 11 heures 07 minute (s) ; Nous, Maître Ibrahima Zerbo, Greffier en chef du Conseil constitutionnel, avons reçu la requête formulée par messieurs Ali Lankoandé, Ram Ouédraogo et Michel Norbert Tiendrébéogo tendant à l’annulation de la candidature de Monsieur Blaise Compaoré. En foi de quoi, le présent a été dressé et délivré pour servir et valoir ce que de droit.

Le Greffe en chef Me Ibrahima Zerbo

L’Observateur

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