LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Me Hermann Yaméogo : "Il n’y a jamais eu consensus sur l’article 37"

Publié le lundi 10 octobre 2005 à 11h43min

PARTAGER :                          

Me Hermann Yaméogo

A quelques jours de la campagne, un entretien avec le patron de l’UNDD, Me Hermann YAMEOGO, qui, comme d’habitude, n’utilise pas la langue de bois pour affirmer ses convictions.

San Finna : Faut-il comprendre qu’en ne saisissant pas personnellement le Conseil Constitutionnel, vous désavouez Philippe Ouédraogo et Me Sankara ?

Me Hermann Yaméogo (Me H.Y) : Pas le moins du monde et penser cela serait faire une interprétation abusive de ma position et même verser dans les desseins machiavéliques du pouvoir qui sont justement d’encourager tout ce qui peut favoriser l’implosion d’ " Alternance 2005 ". Notre regroupement, sachez-le, a laissé le soin à ses trois candidats de se pourvoir devant le Conseil constitutionnel.

Que ce dernier soit saisi par tous les trois, par deux ou par un seul, la décision du juge constitutionnel sera toujours la même. Quant à ma défiance vis-à-vis de l’organe judiciaire, elle est bien connue. Bien que diffamé à plusieurs reprises par des organes de presse, je n’ai jamais saisi la justice. Lorsque le ministre Bassolet, entre autres accusations, m’a chargé du funeste projet de " rééditer le 13 Décembre ", en faisant assassiner une personnalité politique de l’opposition, je n’ai pas davantage jugé nécessaire d’actionner en justice malgré les fortes pressions dont j’étais l’objet au niveau d’Alternance 2005 comme de l’UNDD, dans ce sens.

Je reste donc constant en n’introduisant pas un recours devant le Conseil constitutionnel contre la candidature du président sortant. C’est comme ça qu’il faut comprendre ma position et non autrement.

San Finna : Mais n’êtes-vous pas en train de faire un procès d’intention au juge constitutionnel ?

Me H.Y : Qu’allez-vous penser là ? Ma position n’est pas dictée par des apriorismes mais par des considérations objectives. Au Burkina Faso, on ne peut pas dire qu’il y a différenciation entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. La séparation des pouvoirs est un leurre et la justice en particulier fonctionne sous la tutelle de l’Exécutif. Lorsque vous regardez par exemple la composition du Conseil Constitutionnel, vous n’en verrez pas beaucoup qui n’aient pas des accointances avérées avec le parti au pouvoir.

Si en plus, vous voyez les conditions de nomination de ses membres, et surtout du Président, vous vous rendez compte que le chef de l’Etat a des moyens de pression sur eux. C’est cette emprise sur les institutions, et notamment sur le Conseil Constitutionnel, qui autorise Blaise Compaoré à prendre autant de liberté avec la Constitution. Il est juge et partie et pour ne pas arranger les choses, la communauté internationale assiste, impavide, aux maltraitances dont la loi fondamentale est victime. La presse nationale, ces derniers temps, relate des écrits qui montrent que cette défiance est largement partagée.

San Finna : Et si demain le Conseil constitutionnel donnait raison à ceux qui l’ont saisi, ne seriez-vous pas condamné pour avoir préjugé ?

Si d’aventure, cela arrivait, je me prosternerais devant lui, et les deux genoux au sol, je lui demanderais Pardon de même que je le ferais à l’endroit du peuple burkinabé.

Mais pour l’heure, je pense que cette attitude me permet de me prémunir contre toutes les accusations d’insoumission qui pourraient être formulées contre moi par les médias aux ordres si jamais, après avoir saisi le Conseil constitutionnel, je me trouvais à en contester la décision. C’est vrai qu’il existe des dispositions dans la Constitution qui permettent de contester les décisions illégales de n’importe quel organe de l’Etat mais la majorité des Burkinabé est loin d’en être informés et surtout d’en saisir toutes les subtilités.

Je ne voulais pas compliquer davantage les choses en allant requérir l’arbitrage d’un organe aux ordres pour le contester par la suite. Je m’attacherai plutôt à informer et à convaincre l’opinion commune que je m’adosse au roc de la loi fondamentale pour contester la décision du Conseil constitutionnel que je vois venir et qui permettra, en violation de l’article 37, que Blaise Compaoré soit le seul citoyen à pouvoir briguer un troisième mandat.

San Finna : Me Benoît Sawadogo, avocat du président Blaise Compaoré, soutient que les textes qui autorisent son client à se présenter sont clairs. Il invoque par ailleurs, toujours dans ce sens, un consensus consacré par le Rapport de la commission de concertation entre gouvernement, partis politiques et société civile au terme duquel tout le monde aurait donné son accord pour que le Président Blaise Compaoré puisse se présenter en 2005 parce que la révision de 2000, ré-instaurant la limitation du mandat présidentiel avec un quinquennat au lieu d’un septennat, remettrait les compteurs à zéro. Qu’en dites-vous ?

Me H.Y : Il fait son travail mais tout le monde sait que la limitation du mandat présidentiel prévue par la Constitution de la 4ème République existait déjà dans la seconde comme dans la troisième République. C’est donc une tradition qui est maintenant consacrée. Si Blaise Compaoré, élu en 1991 a déverrouillé le mécanisme en 1997 à l’approche du renouvellement de son deuxième septennat, et s’il a été contraint par la contestation populaire à rétablir la limitation du mandat en 2000, c’est tout simplement parce que le peuple voulait qu’il respecte l’article 37.

Mais avant d’y revenir, je tiens à souligner qu’il n’existe aucun texte au Burkina Faso qui précise que Blaise Compaoré, à la fin de son deuxième mandat, peut se représenter immédiatement pour un troisième mandat. Si tel était le cas, nous ne serions pas empêtrés depuis 2000 dans cette contestation au sujet de son application. Du reste, on peut comprendre que le pouvoir ait entretenu un flou artistique à ce sujet car, préciser lors de la deuxième révision que la limitation ne s’appliquait pas au deuxième septennat en cours de Blaise Compaoré, aurait provoqué un tollé général et compromis le processus de pacification nationale.

C’est ce point de vue que le Professeur Loada a développé dans une de ses publications " La limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique francophone ", publié sur le site Internet (http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr/pdf/3doc8loada.pdf) ; page 171 : " C’est manquer de fair-play que d’accepter à la fois de rétablir la clause limitant l’exercice de mandats présidentiels consécutifs et chercher à se soustraire de son application ". Pour ma part, je ne vois dans ces magouilles du pouvoir, qu’une fraude manifeste à la Constitution.

C’est dire que la chanson des compteurs remis à zéro ne passera pas et c’est à juste titre qu’à ce sujet, l’Observateur-Paalga, ironique, a dit que le pouvoir venait d’ inventer une nouvelle théorie mathématique selon laquelle 1 +1 ferait 0. Ca veut dire ce que ça veut dire et le message a été bien reçu par l’opinion. On n’a pas, par la révision de 2000, comme le Maître le fait du tableau, tout effacer pour tout recommencer. Non, on n’a pas gommé l’article 37 pour insérer une nouvelle disposition ; on l’a réhabilité pour qu’il continue de produire tous ses effets et notamment vis-à-vis de Blaise Compaoré.

San Finna : Mais qu’en est-il de ce rapport de la Commission de concertation entre gouvernement, partis politiques, société civile qui aurait consacré un large consensus autour de la possibilité pour Blaise Compaoré de se représenter à la fin de son deuxième mandat ?

Justement, pour y revenir, apprenez qu’il n’y a jamais eu consensus par rapport à l’article 37 au niveau de la commission de concertation. La bonne preuve, c’est que l’ADF-RDA que je dirigeais à l’époque, a adressé le 12 Janvier 2000 sa réaction au premier Ministre qui demandait son avis sur ledit rapport, pour notamment se démarquer de la volonté de donner à l’article 37 une interprétation qui permettrait à Blaise Compaoré de briguer d’autres mandats, document envoyé par cahier de transmission au premier Ministre le 12/01/2000.

Il y était notamment souligné ceci : " Pour notre parti, la proposition de la commission de considérer la fin du mandat présidentiel en cours comme date d’entrée en vigueur de l’article37 révisé (à nouveau) est simplement inacceptable à la fois pour des raisons juridiques et politiques ". Nous y demandions même que le Président Compaoré organise "des élections présidentielles anticipées auxquelles il ne participera pas ".

Par ailleurs, on ne peut pas parler de consensus quand on sait qu’une partie importante des acteurs politiques à l’époque, regroupés dans le G 14, a refusé de participer à ces concertations et que le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques n’a pas davantage accepté d’y prendre part. De quel consensus peut-on alors parler dans ces conditions ? Un Ali Lankoandé, un Norbert Tiendrébéogo, un Me Sankara, un Philippe Ouédraogo.., qui n’étaient pas à cette table de concertation, et qui sont actuellement candidats à la présidence du Faso, peuvent-ils se voir opposer ce prétendu consensus ? Il ne faut pas rigoler. D’ailleurs, à la limite, même s’il y avait eu consensus général, pour que celui-ci soit opposable à tous, il aurait fallu qu’il soit validé par la loi ou par un référendum.

San Finna : Alternance 2005 a engagé un combat contre la candidature de Blaise Compaoré qu’elle va perdre d’après vous au niveau du Conseil Constitutionnel. Qu’en est-il de cette autre bataille pour un code électoral permettant des élections transparentes et loyales ?

Me H.Y : Il faut relativiser les choses. On peut perdre la bataille de l’article 37 devant le Conseil constitutionnel mais sans perdre pour autant la guerre que nous avons engagée contre la violation de cet article. C’est en tout cas mon point de vue car, conformément au Mémorandum sur l’article 37 du 23/02/2004 (signé par la CDS, la CPS, le FFS, le FPC, le GDP, l’OBU, le PAI, le PDP-PS, le PDS, le PFID, le RDEB, l’UDPI, l’UNDD, l’UNIR/MS), j’entends appeler " le Peuple du Burkina Faso à la mobilisation, en tant que dernier rempart contre l’arbitraire, pour :

- s’opposer à toute violation de la Constitution dont il s’est librement doté le 2 juin 1991, sans tripatouillages d’une majorité plus préoccupée par ses intérêts matériels que par son devoir de représentation véritable de ses mandants ;

- dire son refus de la déification d’un homme et de l’instauration d’une monarchie au Burkina Faso ", pour reprendre les termes du Mémorandum.
Oui, j’entends lutter donc par tous les moyens légaux et constitutionnels contre cette forfaiture, et ce "avant, pendant comme après les élections ". Et les armes constitutionnelles ne manquent pas pour mener cette lutte.

S’agissant maintenant du deuxième point, celui de la transparence, le constat est que sur ce plan, nous sommes toujours engagés dans le combat. Pour l’heure, je ne vois pas que nous ayons marqué des points au contraire, nous avons reculé. Quelques exemples : le mode de scrutin modifié pour permettre au parti majoritaire d’écraser les autres partis ; le calendrier électoral inversé de façon honteuse ; les Burkinabé de l’extérieur interdits de vote ; le recours à la multitude de documents d’identification pour l’établissement des listes ; l’autorisation donnée à des individus de récupérer les cartes de toute la famille en zone rurale, et même en ville.

Tout ça ne va pas dans le sens de l’approfondissement de la transparence et, quand on ajoutera que la mesure-phare (qui aurait permis d’amoindrir les fraudes) que nous avons demandée : la photo et les empreintes digitales apposées sur la carte d’électeur, a été rejetée, on comprendra que les élections ne se passeront pas sous le sceau de la transparence et de la loyauté.

San Finna : Vous semblez plutôt pessimiste par rapport à l’efficacité du processus électoral ?

Me H.Y : Qui ne le serait pas lorsqu’on observe comment le pouvoir s’est emmuré dans un refus du dialogue politique, lorsqu’on voit à quel point il a réalisé un hold-up sur le processus électoral à travers particulièrement les instruments électoraux qui sont censés le surveiller de bout en bout ? Regardez où nous sommes rendus avec l’informatisation du fichier électoral : un vrai gâchis.

En l’ayant conduit en solitaire sans permettre que l’opposition puisse obtenir un audit, sans prendre les dispositions pour que le code d’accès ne soit pas entre les seules mains du pouvoir et de ses démembrements, on a permis de monter un logiciel terrible qui montre déjà ses effets dévastateurs.

Il n’y a pas cette partie du Burkina Faso où on ne trouve pas en nombre impressionnant des électeurs disposant de deux, trois, six voire plus, de cartes d’électeurs. On nous avait pourtant assuré sur tous les tons qu’avec l’informatisation, il n’y aurait pas de doublons. Non seulement il y a plus que des doublons mais on retrouve encore des cartes d’électeurs établies au bénéfice de personnes défuntes, d’identités fictives.

Lorsqu’on y rajoute les conditions déplorables de la révision exceptionnelle des listes, on voit comment ce logiciel, ce machin, est une arme électorale de destruction massive pour l’opposition. Comme c’est le même logiciel qui servira pour les municipales et les législatives, on peut dire que le pouvoir pourra parachever son formatage du cadre politique et des acteurs politiques, à sa guise.

San Finna : Pourtant, les choses ne s’annoncent pas mal avec tout ce beau monde qui s’apprête à aller à la chasse au suffrage populaire

C’est vrai que les 13 candidats regroupent des figures significatives de la vie politique nationale. On pourrait dire comme feu Joseph Conombo que c’est une liste bigarrée, de couleurs mélangées ou comme certains, que la compétition sera joyeuse et festive car plus il y a de fous et plus on rigole mais ce qu’on ne pourra pas affirmer, c’est que cela suffira à authentifier l’élection et à la valider.

Il n’est pas faux de dire que l’enjeu de l’élection se mesurera au comportement des candidats par rapport à la candidature de Blaise Compaoré et au respect de la Constitution. Ils sont en effet plus de la moitié qui se sont prononcés contre cette candidature, la jugeant anti-constitutionnelle. Que vont-ils décider lorsque le Conseil validera cette candidature ?

Trouver que le juge suprême a tranché et qu’il a converti l’illégalité en légalité et se soumettre ou alors se rebiffer et continuer de résister à la violation de la loi fondamentale ? Ma position, en tout cas, est claire : quelles que soient la force de conditionnement du milieu, l’utilisation de pressions multiformes, je ne serais jamais celui qu’on va rabattre et contraindre à suivre un courant pour cautionner la forfaiture, pour accompagner un candidat illégal dans sa quête de légitimation anti-constitutionnelle.

San Finna : Vous n’avez pas jusqu’à présent réagi par rapport au sondage réalisé par le CGD. Pourquoi ?

Me H.Y : J’ai trouvé qu’il fallait laisser le temps faire son œuvre, permettre à tout un chacun de s’en faire une juste opinion. La plupart des réactions qui ont suivi ont pour ainsi dire répondu pour moi en soulignant le silence du CGD par rapport à la violation de l’article 37, en stigmatisant la nature des questions tendancieuses et visiblement téléphonées, le contexte choisi pour se livrer à une telle enquête, et la non-spécialisation du CGD dans des activités du genre.

Ce que l’on retient généralement, c’est qu’il s’agit d’une enquête malveillante, destinée à préparer les esprits à accepter un scrutin bidouillé de bout en bout. C’est ça le propre de la démocratie sous la 4ème République, caractérisée par une myriade de partis politiques, de syndicats, de mouvements de droits de l’homme, d’organismes de veille démocratique, d’associations en tout genre mais qui, pour la plupart, sont connectés à un seul et même réseau : le régime en place.

C’est ça qu’il faut savoir. Ce n’est pas pour autant que le CGD va jeter le manche après la cognée ; il ira jusqu’au bout en confirmant ses résultats par une enquête nationale et bien que l’opinion soit acquise au changement, cela n’apparaîtra pas.

Mais on ne formatera pas le cadre politique et ceux qui l’animent par des sondages, et quoique élevé au pinacle, et présenté comme l’élu du peuple, Blaise Compaoré, en passant en force aux élections à venir, suivi de qui on voudra, n’en restera pas moins un président illégitime.

San Finna : " Alternance 2005 " et la " Coalition Hermann Yaméogo-Le Refus fondateur " viennent de connaître une défection à travers le jet d’éponge de l’UDPI qui s’en est allé soutenir la candidature de Blaise Compaoré. Votre sentiment.

Me H.Y : Vous savez, des arrivées comme des départs, nous en aurons. C’est la loi du milieu qui veut ça, c’est la nature des mœurs politiques de la 4ème République qui le commande. C’est vous dire que je n’en suis pas étonné et que je suis même préparé à voir demain d’autres départs du même type. Mais quoi qu’il en soit, que des partis s’en aillent d’ " Alternance 2005 " ou de la " Coalition Hermann Yaméogo-Le Refus fondateur ", que des députés, des responsables, des militants, des parents, des amis quittent l’UNDD, ce n’est pas ça qui va me détourner de mon combat et de mon engagement à dénoncer la nature de ce régime qui constitue une véritable menace pour le Burkina et pour la sous-région et à lutter pour une alter-gouvernance qui soit plus soucieuse de redistribution sociale, de démocratie et de bon voisinage avec les Etats alentour.

San Finna : Justement, dites-nous quelques mots sur votre projet de société ?

Nous avons à l’UNDD une posture de rupture. C’est le sens de notre refus de cautionner la fracture entre catégories sociales, entre les régions, entre les composantes des forces armées.., la violation de la Constitution notamment de l’article 37, les ingérences à l’extérieur.. Mais notre refus n’est pas nihiliste, purement déconstructeur sans alternative. Il est fondateur en cela qu’il veut mettre en place une alter-gouvernance basée sur une politique de redistribution des pouvoirs et des ressources.

Cette politique se manifestera notamment par l’instauration d’un régime parlementaire, la décentralisation démocratique, pour assurer une intervention beaucoup plus équilibrée de l’Etat dans les différentes régions et assurer à ces dernières, de véritables conditions de gestion de leurs intérêts régionaux.

Au plan social, l’UNDD se propose de régler de façon échelonnée les sommes dues aux déflatés qui ont, avec toutes leurs familles, tant souffert et souffrent encore de la fermeture de leurs instruments de travail (fermeture pour répondre aux injonctions des institutions internationales et qui ont profité à une poignée de gouvernants qui en bradant ces unités, se sont enrichis honteusement sur le dos de tous les licenciés), d’augmenter les salaires de 15 %, les budgets de la santé et de l’éducation de 4 à 5 %.

Au plan de la politique extérieure, ce sera la tolérance zéro vis-à-vis de l’accueil des mercenaires et des ingérences à l’extérieur.

San Finna : Comment voyez-vous les lendemains électoraux ?

Me H.Y : Pour vous dire vrai, pas en rose. Blaise Compaoré est parti pour exécuter un passage en force. La sagesse aurait commandé qu’il favorise l’émergence d’ une candidature au sein du CDP et qu’il se mette en réserve pour éventuellement revenir à la charge après un quinquennat écoulé. En persistant pour garder la main, il ne pourra qu’accentuer la crise déjà sensible dans laquelle se trouve le pays.

La situation post-électorale sera difficile à gérer à cause de la perte de toute perspective, de toute espérance dans l’alternance, ce qui ne pourra qu’encourager la radicalisation de la lutte pour la conquête du pouvoir. La perspective sera difficile aussi à cause des tensions sociales, des responsabilités imputées au régime en place dans la crise ivoirienne, à cause de l’implication de certains tenants du régime dans le dossier Charles Taylor qui ne manquera pas de rebondir après les élections au Libéria.

Bien que nos divergences soient profondes, je voudrais lancer un appel au chef de l’Etat afin qu’il puise au fond de lui-même les réserves de patriotisme pour prendre la seule décision qui s’impose actuellement : retirer sa candidature. Il éteindra ainsi la mèche de la contestation qui est déjà mise à feu.

San Finna : L’Union Africaine vient, à travers son Conseil de Paix et de Sécurité, de trancher par rapport au débat sur l’après 30 Octobre. A coup sûr, vous devez être satisfait ?

Me H.Y : C’est peu dire. RFI estime que la décision du Conseil de Paix et de Sécurité a fait deux gagnants : Laurent Gbagbo et Thabo M’Béki et un perdant : Seydou Diarra. Mais pour beaucoup, il faudrait avoir une vision plus large Dans le camp des gagnants, on placera certes Laurent Gbagbo, Thabo M’Béki mais aussi les Dos Santos, les Kadhafi et tous ceux qui au Burkina Faso ou ailleurs, ont d’une façon ou d’une autre, condamné l’agression du 19 Septembre, soutenu le régime légal dans sa volonté de libérer l’économie nationale des tutelles extérieures et appuyé la médiation M’Béki.

Les perdants comprendraient Jacques Chirac, Olosogun Obasanjo, Blaise Compaoré, Abdoulaye Wade, ATT, Omar Bongo.. , la rébellion et le G7 et tous ceux qui au Burkina Faso ou ailleurs ont été peu ou prou de la conspiration internationale pour faire chuter le régime ivoirien et préparer l’avènement d’un autre pouvoir plus coopératif avec la Françafrique.

Pour moi, la décision de l’Union Africaine ne tranche pas seulement le litige entre les partisans et les contempteurs du vide juridique, entre ceux qui sont pour ou contre la poursuite de la médiation M’Béki ; c’est une décision fondatrice car elle peut être le départ de ce sursaut du continent dans sa quête d’une autre forme de gouverner plus respectueuse de la démocratie et de l’intérêt des populations.

Cette décision, je la sens aussi comme une victoire pour tous les patriotes et républicains ivoiriens bien sûr mais aussi africains qui ont souvent été malmenés, brimés, en raison de leurs positions courageuses par rapport à cette guerre coloniale et prédatrice imposée à la Côte d’Ivoire. C’est le lieu pour moi de remercier tous les camarades de la " Coalition Hermann Yaméogo-Le refus fondateur " qui se sont prononcés courageusement et avec constance contre l’ingérence en Côte d’Ivoire et qui ont soutenu l’action du Médiateur Thabo M’Béki et tout particulièrement parmi eux, Issa Tiendrébéogo avec lequel nous avons parcouru les contrées ivoiriennes pour porter un message de paix et de solidarité à nos compatriotes victimes de cette sale guerre.

C’est le lieu de remercier des hommes politiques comme Jean-Jacques Zeba du PSP qui n’a jamais varié dans sa condamnation de l’agression de la Côte d’Ivoire et bien sûr, tous ceux qui à l’UNDD n’ont jamais dévié de leurs convictions, et qui pour cela ont été malmenés, arrêtés comme Noël Yaméogo, N’Do Mathieu, Louis Nama. La nouvelle orientation qui vient d’être imprimée au niveau de la gestion de la crise ivoirienne, avec les décisions prises à Addis, nous récompense tous de ce que nous avons souffert.

San Finna : Ca bouge du côté du droit pénal international en Belgique et en Espagne. Cela ne va-t-il pas dans le sens de l’avènement de l’ordre public international auquel vous en appelez depuis si longtemps ?

Me H.Y : Le mandat d’arrêt international lancé contre l’ancien président Hissein Habré constitue une avancée dans le renforcement du droit pénal international, donc de l’ordre public international. Même si en Belgique, les pressions ont amené à limiter le principe de la compétence universelle, il est quand même important que les étrangers ayant acquis la nationalité belge aient pu voir aboutir leur procédure contre Hissein Habré. Cela va aider à lutter contre l’impunité.

Avec l’Espagne, la compétence juridique universelle est pleinement appliquée. Ca, c’est tout simplement révolutionnaire car s’il est un pays qui pourra permettre à toute personne quelle que soit sa nationalité, de déposer plainte contre des chefs d’Etat, des personnalités et de simples individus pour crimes de guerre, contre l’humanité, de torture.. (et de les faire juger si elle a un intérêt reconnu), c’est bel et bien l’Espagne. Il n’y a pas meilleure façon d’aider à l’avènement de l’ordre public international.

San Finna : Avez-vous une préférence pour les candidats aux élections présidentielles libériennes ?

Me H.Y : Oui, j’ai un préjugé favorable pour l’un d’entre eux, pour la raison qu’il s’est engagé à lutter contre l’impunité, contre les ingérences et à traduire Charles Taylor devant la justice pour qu’il y réponde de ses 17 chefs d’accusation notamment crimes de tortures, de guerre... : George Weah. Il y a aussi qu’il me semble, malgré sa notoriété, sa fortune, très proche du bas peuple et plus sensible par conséquent à ses problèmes.

Mais quel que soit celui qui prendra les rênes du pouvoir, je souhaite qu’il s’inscrive dans la lignée des chefs d’Etat qui ont décidé de travailler pour réhabiliter le continent en bannissant à jamais de la gouvernance les tristes méthodes d’hommes comme Charles Taylor, Foday Sankho, Sam Bokarie... qui ont fait tant de mal à la région ouest-africaine et écorné l’image de l’Afrique.

Propos recueillis par Lamine Koné

San Finna

P.-S.

Lire aussi :
Hermann Yaméogo

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 11 octobre 2005 à 00:12, par Dominique Yanogo, abbé. En réponse à : Attention !Monsieur Conombo Joseph est vivant !

    J’espère qu’il s’agit d’un lapsus !
    Me Hermann Yaméogo voulait-il parler de "feu Joseph Ouédraogo" ?
    Que San Finna pense à présenter ses excuses à notre bon vieux Joseph Conombo qui ne cesse de sillonner les terres de Mulhouse et de Kombissiri entre deux conférences ou deux publications de ses mémoires sur la Fière Volta et le militant Burkina !

  • Le 11 octobre 2005 à 03:36, par swty En réponse à : Me Hermann Yameogo

    slt juste pour signifier nos encouragements et notre perpetuel soutien...SWTY

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique