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Presse burkinabè : Arrêtez d’insultez les journalistes !

Publié le vendredi 7 octobre 2005 à 08h10min

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Pauvre presse burkinabè. Une amante assidûment courtisée
pour assouvir ses émotions fortes et haïe une fois qu’on a
satisfait ses émotions. Quelle ingratitude ? Une telle attitude a
néanmoins l’avantage de nous faire découvrir la nature exacte
de certains usagers de la presse.

Un grand philosophe français
disait que si la presse n’existait pas, il aurait fallu ne pas la
créer. Et de s’empresser d’ajouter que dès lors qu’elle existe, il
faudrait en faire un usage domestique au même titre que la
bicyclette, la cuisinière, etc.

Malheureusement, au Burkina, la
presse irrite certaines personnes au point qu’elles en viennent à
vouloir se mettre dans la peau du journaliste et à se targuer de
dispenser des leçons de journalisme à ceux qui ont choisi
d’exercer ce métier avec toute la rigueur professionnelle qui en
découle en se référant constamment au bréviaire de l’éthique et
de la déontologie et en buvant jusqu’à la lie, le vin de la
recherche de la vérité.

Autant la liberté de la presse, telle qu’on nous l’a enseignée et
que les professionnels revendiquent, n’est pas celle de pouvoir
écrire ou dire n’importe quoi ou simplement ce que le
journaliste a envie d’écrire, autant cette liberté ne saurait être
celle que voudraient dicter aux journalistes ceux qui ne
perçoivent les choses que sous le prisme déformant de leur
subjectivisme.

Si la presse devait se limiter à l’obésité cervicale
et asphyxiante de ces fossoyeurs de sa liberté, elle irait à son
propre suicide, car, ce sont les mêmes qui, tout en profitant de
la presse (même s’ils estiment que ce n’est pas suffisant)
seront les premiers, demain, à ne même pas verser, ne
serait-ce que des larmes de crocodile, quand notre métier aura
des difficultés.

A ce propos, c’est tout à fait à l’honneur de ceux
qui ont organisé, ces derniers temps, des débats sur le rôle de
la presse, surtout en cette période débridée de précampagne
électorale. C’est la preuve que la presse qui est la première à
monter au créneau lorsqu’elle constate des dysfonctionnements
dans notre société, accepte la critique sans états d’âme.

Ces
débats ont également permis de prendre la mesure de la
conception médiévale que certains dirigeants ont quant au rôle
que la presse burkinabè doit jouer dans la société. Beaucoup
de journalistes ont dû tomber en syncope, car, quel serait le sort
de la presse si de tels dirigeants se retrouvaient au sommet de
l’Etat ?

Tous les journalistes burkinabè se transformeraient en
suppléments tropicalisés de la Pravada du temps de l’ex-Union
soviétique, véritable boîte d’encens du pouvoir autocratique des
gérontocrates du Kremlin. Nous ne cesserons jamais de
répéter que dans un pays réellement démocratique, il y a
plusieurs sortes de journaux.

Celui qui ne trouve pas son
compte dans un organe qui tient à son indépendance, peut
retrouver une compensation dans l’organe de sa chapelle
politique où parfois le daltonisme idéologique est une vertu.
Qualifier les journalistes de "garibous", gamelles en
bandoulière, en train de quémander des prébendes, c’est
insulter leur métier quand on sait qu’ailleurs, certains se sont
offerts le plaisir de s’octroyer des avantages.

C’est occulter les
difficultés (qu’on ne fait rien pour aplanir) auxquelles ils font face
pour défoncer les portes hermétiquement fermées de
l’information dont les détenteurs restent désespérément muets
comme des carpes lorsqu’ils sont persuadés que les
journalistes refusent de parler de la pluie et du beau temps et
de cirer les godasses de ceux qui sont en face d’eux.
La rumeur, oui. Quand on sait qu’elle est souvent fondée et
vérifiée .

Oui à la rumeur quand on sait que ceux qui détiennent
l’information et dont le devoir est de la livrer, érigent des
murailles de Chine autour d’eux. Ils ne laissent qu’une seule
alternative au journaliste : baisser les bras et trahir l’opinion, ou
défoncer les portes cadenassées des citadelles imprenables
de la loi du silence. Oui aussi aux perdiems qui ne sont pas une
invention de journalistes. Ils ont eux aussi droit à un certain
bien-être. Pendant que certains se serrent les bretelles ,
pourquoi voudrait-on que les journalistes soient des clochards ?
Avant tout, l’information, c’est la science de l’homme avec toute
sa complexité.

Circonscrire le rôle du journaliste aux seuls faits
et gestes des princes qui nous gouvernent, c’est faire preuve de
myopie et oublier que le meilleur allié de la presse, c’est
l’opinion publique dont elle doit comptabiliser les angoisses
existentielles dans un climat de doute que vit le pays.

Du reste,
si la presse ne faisait pas preuve de retenue et de
responsabilité, certains hésiteraient à faire des sorties aussi
bruyantes. Ce qui est sûr, les journalistes n’ont pas senti les
signes d’un divorce entre eux et l’opinion publique, cette dernière
sachant que les hommes de médias ne sont pas, loin de là, les
premiers au tableau du déshonneur.

Il importe donc d’éviter ces
ingérences intempestives dans les affaires de la presse et cette
fuite en avant qui consiste à la détourner de sa mission. Au
Burkina, la presse sait ce qui intéresse son opinion publique.

Et
contrairement à un préjugé souvent entretenu et flatteur,
l’opinion publique est moins sensible à certaines gesticulations
officielles qu’à ce qui touche à leur vécu quotidien. Que chacun
fasse convenablement son métier et tout ira mieux dans l’intérêt
de tous.

Demander à la presse d’être la caisse de résonance de ceux
qui sont en mal de popularité procède de la propagande gratuite
et de la manipulation qui ne la nourrissent pas. Car, la presse
est avant tout, une entreprise soumise à des obligations de
toutes sortes.

Doit-elle lâcher la proie pour l’ombre en faisant plaisir coûte que
coûte à quelques esprits amers ? Si tel devait être le cas, c’est
la liberté de la presse qui en pâtirait, les valeurs républicaines et
démocratiques qui seraient atteintes et le fragile avènement de
son printemps qui se transformerait vite en hiver où tout serait
gelé.

Le mérite de la presse burkinabè qui n’est pas moutonne,
c’est d’avoir secoué le cocotier de certains politiciens,
ankylosés par leurs fausses suffisances et convaincus qu’une
fois élus, ils n’ont plus d’obligation de résultats. Les
journalistes refusent d’entonner des hymnes à l’angélisme de
ceux qui croient qu’ils ne font jamais d’erreur. N’en déplaise à
certains esprits chagrins, la presse se refuse à rouler pour
certains, fussent-ils d’honorables élus de la Nation.

"Le Fou"

Le Pays

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