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Burkina Faso : La doctrine fiscale

Publié le jeudi 6 octobre 2005 à 08h39min

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Le professeur Amadou Yaro, directeur général du Centre
d’enseignement à distance de Ouagadougou, décortique dans
cet écrit, la doctrine fiscale : des définitions et concepts
théoriques à l’état des lieux au Burkina Faso.

Comme toute matière juridique, le droit fiscal, aussi bien dans
son sens restreint que dans son sens large, a des sources, la
plus importante étant la loi. Cependant, les juristes savent qu’à
côté de la loi, il y a d’autres sources non moins importantes qui
conditionnent le devenir d’une matière. C’est dans ce sens que
notre collaborateur nous entretient aujourd’hui de la doctrine
fiscale.

Définitions et concepts

La doctrine peut être définie comme l’ensemble des opinions
émises sur le droit par des personnes qui font profession de
l’étudier. La doctrine peut aussi désigner les personnes
elles-mêmes dont le rôle est de se pencher sur le droit en
général. La doctrine fiscale est donc constituée des opinions
émises sur le droit fiscal d’un pays par des personnes dont le
rôle est d’analyser sur évolution. Elle peut aussi alors désigner
les personnes donc. Il y a donc deux éléments :

- les opinions émises sur le droit fiscal : le droit fiscal a parmi
ses caractéristiques, « l’avantage » qu’il est dynamique, évolutif
car il est fortement dépendant de l’évolution de l’activité
économique et sociale, du moins dans un Etat à économie
libérale. C’est donc un droit sur lequel, il y a beaucoup de
choses à dire, en ce sens que ses effets se remarquent sur tout
le monde. Par exemple, tout salarié est tenu de s’acquitter de
l’impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) au Burkina.

Cela veut dire que tout salarié a son opinion sur l’IUTS.
Mais la doctrine, c’est l’opinion avisée, discutée, dans un style
et une démarche scientifiques, élaborés. La doctrine explique et
éclaire le droit positif (le droit positif est le droit en vigueur ou en
application actuellement dans un pays. Il est évolutif et
s’oppose au droit naturel).

Elle donne un exposé (synthétique) du droit positif, aussi
rationnel que possible. La doctrine va aussi critiquer le droit
(positif) et suggère des réformes techniques afin de l’améliorer.
Autrement, la doctrine va proposer des solutions d’amélioration
des problèmes que l’on rencontre sur le terrain, aussi bien de la
part du législateur que des tribunaux ou même des
contribuables.

- les personnes qui font profession d’étudier le droit fiscal : la
doctrine fiscale est du ressort d’une catégorie de la population ;
il s’agit des spécialités de la fiscalité dont le rôle est de donner
des avis motivés sur cette matière. De manière concrète, il s’agit
des enseignants, des avocats (spécialisés), des magistrats et
même de certains acteurs commerçants ou contribuables (c’est
le cas de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat ou
des ordres d’experts comptables ou de comptables agréés,
etc.). Pourquoi ces personnes précisément ?

Certains d’entre
eux parce que la loi les y oblige plus ou moins. En effet, dans le
milieu de l’enseignement supérieur, c’est l’avancement qui
détermine le grade, lequel est généralement fonction des écrits
qui sont publiés. Autrement, pour être crédible, il faut écrire sur
les sujets de son domaine. On imagine donc que les
enseignants du supérieur qui ont choisi la fiscalité doivent
donner leurs avis techniques sur les sujets de l’heure.

D’autres
personnes étudient le droit fiscal par nécessité professionnelle
ou par envie de positionner la structure que l’on représente face
aux autorités législatives. C’est le cas notamment des avocats
qui ont besoin de donner leurs points de vue afin de justifier
leurs positions devant les tribunaux. De même, les
représentants des opérateurs économiques sont souvent
consultés à l’occasion d’événements comme la relecture du
code des impôts sur la confection des lois de finances. Leurs
avis techniques et motivés sont attendus.

Les écrits et les
articles à paraître doivent l’être (si l’on veut être très académique
et respectueux de la science) dans des revues spécialisées,
des revues qui font autorité dans le milieu scientifique. Cette
« obligation » garantit un travail de haute teneur scientifique, des
articles de haute portée juridique, crédibles car respectant les
normes différentes scientifiques et techniques.

La doctrine fiscale au Burkina

Telle que définie, il s’agit de voir si au Burkina, beaucoup de
chercheurs ont écrit sur la fiscalité. Sur ce point, et contrairement
à la jurisprudence fiscale, la doctrine fiscale burkinabè n’est pas
très abondante.

Du strict point de vue académique, il n’y a pas beaucoup
d’ouvrages scientifiques consacrés à la fiscalité burkinabè
(contrairement par exemple au cas sénégalais).

Il y a eu des
articles au début des indépendances, généralement rédigés par
des expatriés (généralement des conseillers auprès
d’administrations nationales), mais qui ne respectent pas
véritablement le processus scientifique tel que voulu par les
spécialistes. Depuis une dizaine d’années, l’ouvrage de
référence cité par quasiment tous ceux qui font des recherches
sur la fiscalité burkinabè (des étudiants dans le cadre de leurs
mémoires de fin de cycles en passant par les consultants en
fiscalité) est celui du professeur Michel Filiga Sawadogo.

Cet
ouvrage constitue un point important dans la prise de
conscience qu’il est nécessaire de ne pas se contenter des
ouvrages venus de l’étranger, notamment de la France. L’auteur,
qui s’est associé récemment à un de ses collègues, a mis
cependant plus de dix ans pour la relecture et la réédition de
son ouvrage.
Moins académiques mais aussi instructifs, sont les mémoires,
mais surtout les thèses de doctorat qui ont traité de la fiscalité
burkinabè.

Sur ce plan, le nombre est relativement élevé. On
peut citer entre autres, les thèses de messieurs Jean Yado Toé
et Jean Pierre S. Sawadogo.
L’avantage de ces documents réside dans l’importance des
informations factuelles, de nature à orienter les chercheurs
dans leurs opinions.

On peut aussi citer (mais peut-on vraiment parler de doctrine
fiscale ?) des articles qui paraissent dans certaines revues
comme (anciennement) la revue burkinabè de droit, dans
certains journaux, ou les commentaires et conclusions des
bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale ou le Fonds
monétaire international.
Dans notre système juridique, la doctrine fiscale (tout comme la
jurisprudence) n’est pas une source directe de la règle de droit
fiscal, car elle n’a pas de valeur obligatoire. I

l n’est pas fait
obligation au juge ou au législateur de se référer à la doctrine
fiscale, fût-il un éminent intellectuel. La doctrine fiscale est une
simple autorité qui essaie de se faire accepter par les tribunaux,
et parfois se faire entendre par le législateur en raison de la
pertinence de ses raisonnements, et de la qualité de ses
suggestions.

Amadou N.YARO, Professeur,
Directeur général du Centre d’Enseignement à Distance de
Ouagadougou

Tél : 50 39 66 37
E-mail : eliou@fasonet.bf

Le Pays

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