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Justice burkinabè : Poser des actes qui rassurent

Publié le mercredi 5 octobre 2005 à 08h33min

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La rentrée judiciaire 2005-2006 au Burkina s’est effectuée le 3
octobre dernier à Ouagadougou sous le thème : "La déontologie
du magistrat". Des engagements visant à améliorer l’efficacité
du système judiciaire ont été pris. Il s’agit, par exemple, de la
mise en place prochaine d’un code déontologique des
magistrats et de l’adoption d’un mécanisme de prise en compte
des réclamations des citoyens.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était temps d’envisager
de telles mesures, surtout après la polémique ayant fait état de
corruption rampante au sein du corps de la magistrature. Du
reste, le sujet n’a pas été occulté lors de la rencontre et l’intitulé
même de cette rentrée judiciaire ("la déontologie des
magistrats") en dit long sur l’état de la morale dans les rangs
des juges du pays des Hommes intègres.

Certains n’ont même plus, comme l’a relevé dans notre
livraison d’hier Guy Hervé Kam, secrétaire général du Syndicat
burkinabè des magistrats, le sens du respect de leur prestation
de serment.
Mais au-delà du corps de la magistrature, c’est la crédibilité de
tout l’appareil judiciaire qui est en question, en ce sens que la
corruption ne se développe que là où il y a un environnement
favorable.

Aussi peut-on s’interroger sur la volonté ou la capacité réelle
des hauts responsables de la Justice à redresser la situation.
En tout cas, les belles intentions ne suffisent pas, ni pour
rappeler les brebis galeuses à l’ordre ni pour restaurer la
confiance avec les justiciables, mise à mal depuis un certain
temps.

Certes, les réformes entreprises par le ministre
Boureima Badini ont permis d’améliorer sensiblement l’accès
du justiciable à la justice grâce à l’acquisition de nouvelles
infrastructures et de matériels, mais de nombreux Burkinabè
continuent d’entretenir une relation de méfiance vis-à-vis de leur
institution, considérée à tort ou à raison comme inféodée au
pouvoir. Le ministre Badini a beau multiplier les actes louables,
faire preuve de sincérité et d’engagement, il demeure, pour
beaucoup de ses concitoyens, un élément du système politique
en place, donc prisonnier de ce système.

Il faudrait un travail de
titan au ministre Badini, ballotté entre sa volonté de libérer la
Justice et les pesanteurs politiques qui entravent son action.
Cela se traduit, par exemple, par la difficulté à traiter avec
diligence certains dossiers sensibles, comme celui de Norbert
Zongo.
Or dans un système démocratique viable, le recours à la
Justice est un réflexe chez tout citoyen, en ce sens qu’elle est le
rempart qui le protège et le défend contre les brimades.

Dans
un pays, quand la Justice qui est aussi vitale que l’air qu’on
respire ne suscite pas systématiquement un tel élan de la part
des citoyens, cela donne souvent lieu à toutes sortes de dérives
comme les actes fréquents d’autodéfense ou la volonté
partagée de se rendre soi-même justice.

C’est pourquoi, il est temps pour tous les acteurs de notre
système judiciaire, à commencer par les magistrats, de poser
des actes qui rassurent les citoyens, restaurent la confiance
entre la Justice et les justiciables.

Cela ne dépend pas
seulement de l’engagement et de l’implication des hauts
responsables politiques comme le ministre de la Justice. Il
appartient aux juges qui sont chargés de traiter les dossiers des
citoyens, de faire preuve de responsabilité dans l’exercice de
leur fonction, de donner des gages d’indépendance et de
crédibilité.

Certes, dans les pays africains, les systèmes
judiciaires sont conçus de sorte que les juges n’aient pas assez
de marge de manoeuvre pour exercer librement leur métier en
dehors de toute influence du pouvoir politique. En outre, les
juges, en vertu de leur statut de fonctionnaires de l’Etat, doivent
une certaine allégeance à leurs supérieurs hiérarchiques pour
avancer dans leur carrière.

Mais, en dernier ressort, toute la responsabilité leur revient de
prendre au mot les hauts dirigeants dans leurs engagements
publics et d’entreprendre des actions qui vont dans le sens de
leur épanouissement. La liberté n’a jamais été octroyée, elle a
toujours été conquise au prix de sacrifices.

A ce niveau, les
juges burkinabè, voire ceux des pays francophones d’Afrique,
pourraient s’inspirer de l’exemple de leurs homologues de
l’espace anglophone.
Ainsi, malgré toutes les dérives dictatoriales reprochées au
régime de Robert Mugabé au Zimbabwé, la Justice a toujours
fait preuve, dans ce pays, d’indépendance vis-à-vis du pouvoir
exécutif dans ses décisions.

C’est également le cas en Afrique
du Sud où une procédure judiciaire à l’encontre de Jacob Zuma,
alors vice-président du pays, a entraîné son départ du
gouvernement.
En tout état de cause, l’indépendance de la Justice, troisième
pouvoir, après l’exécutif et le législatif, demeure une condition
sine qua non pour restaurer une confiance durable avec les
justiciables. Pour ce faire, les magistrats burkinabè devraient
cultiver le réflexe visant à s’intéresser systématiquement aux
affaires courantes, apparemment banales, mais méritant une
certaine clarification, ne serait-ce que pour dissiper les rumeurs
et rassurer les citoyens sur le rôle de veille et de protection qui
incombe à l’institution judiciaire.

Bien sûr qu’avant d’y songer,
nos juges doivent commencer par balayer devant leur porte en
dissipant les soupçons qui pèsent sur eux. Car, il y va non
seulement de l’image et de la crédibilité de leur institution mais
aussi et surtout de celles de notre système démocratique dans
son ensemble.

Le Pays

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